mardi 4 octobre 2016

Interview de Barbara Abel

Barbara s'est prêtée gentiment au jeu des questions-réponses et je l'en remercie grandement. Une petite interview qui j'espère vous donnera envie de lire ses romans et surtout de son dernier "Je sais pas" qui sort le 6 octobre!
 
Quel livre ou quel écrivain t’a donné envie d’écrire ?
Pour moi, ça n’a pas vraiment fonctionné sur un coup de cœur pour un auteur. C’est un ensemble de livres qui m’a donné d’abord le goût de la lecture, ensuite celui de l’écriture. Je n’ai pas d’auteur fétiche. Je peux adorer le livre d’un auteur et ne pas en aimer un autre. De la même manière, je peux tout à fait comprendre qu’on puisse aimer certains de mes romans et pas d’autres. En revanche, quand j’aime un livre, quand j’éprouve une émotion forte à la lecture d’un roman, j’essaie de comprendre ce qui a fonctionné pour moi dans ce livre afin, non pas de le copier, mais de l’interpréter à ma façon et d’en tirer un enseignement que je pourrais traduire et réinvestir dans mon propre univers. Mais si je devais tout de même donner un titre de livre, ce serait « La maison près du marais » de Herbert Lieberman, dont la simplicité de l’histoire n’a d’égale que la force de la tension psychologique qui s’en dégage. Tout ce que j’aime, en somme.   

Pourquoi avoir choisi le roman psychologique ?
Ce n’est pas moi qui ai choisi ce genre littéraire, c’est lui qui m’a choisie. Il n’y a pas vraiment d’explication, ni même de raison, si ce n’est que c’est le style d’histoires que j’aime lire ou voir au cinéma, à fortiori celui que j’aime raconter. Je suis beaucoup plus troublée, émue, touchée, bouleversée quand je lis une situation qui oppose des personnages et met à mal leurs émotions, leurs convictions ou leurs idéologies que quand je lis ou vois des confrontations physiques, des litres d’hémoglobine ou des gens qui meurent à la pelle (je parle de fiction, bien entendu !). De la même façon, je m’amuse beaucoup plus en imaginant une histoire qui met des personnages dans des situations psychologiquement impossibles, me forçant à me poser toujours la même question : comment aurais-je réagi à leur place ? C’est ce qui me permet de m’identifier à mes personnages et, par conséquent, d’amener le lecteur à s’identifier à leur tour, condition sine qua non pour que la catharsis fonctionne et que le lecteur éprouve de la compassion et s’attache aux personnages. Et comme je suis persuadée que si j’ai du plaisir à écrire un roman, le lecteur en aura à le lire, j’écris des thrillers psychologiques.
Où trouves-tu l’inspiration de tes histoires ?
Dans la vie de tous les jours. Dans mon quotidien, celui de mes amis, mes voisins, ma familles. Je pars toujours d’une situation ordinaire, avec des gens ordinaires, qui, à un moment, bascule dans l’horreur. Je raconte et je mets en scènes nos peurs primales, celles qui surgissent dans nos esprits quand on frôle la catastrophe. Nous connaissons tous ces situations qui ont « failli » mal tourner. Ces petits frissons quand on pense à ce qui aurait pu arriver… Moi, je raconte ce qui arrive en effet, en entraînant mes personnages le plus loin possible dans un gouffre infernal, tout en restant crédible et réaliste, sinon ce ne serait pas drôle. Et donc ce sont surtout des détails du quotidien, des petites anecdotes qui font éclore une idée, une situation, ou un personnage. Après, mon imagination fait le reste.
J'ai remarqué que dans la plupart de tes livres l'histoire tourne autour des enfants et de la perte d'un enfant, pourquoi ce choix ?
La perte d’un enfant, je ne l’ai abordé qu’une seule fois, dans « Derrière la haine » et donc, forcément, dans « Après la fin ». Après, c’est vrai que je mets souvent (toujours !) en scène le microcosme de la famille, le thème de la maternité et donc, à fortiori, celui des enfants. Tout simplement parce que, comme je l’ai dit à la réponse précédente, je puise mon inspiration dans mon quotidien, ce qui fait que je me sers de mes angoisses pour construire mes histoires. Et comme mes angoisses sont assez ordinaires, elles tournent principalement autour de ce qui m’importe : la famille, mes enfants. Jusqu’où est-on prêts à aller pour protéger ceux qu’on aime ? Quand on est parents, qui aime-t-on plus que ses enfants ? Je me dis que si j’éprouve ces angoisses, si mes priorités sont celles-là, elles doivent également être celles de la majorité des gens. Parmi ces gens, il y a mes lecteurs. Je parle donc de sujets très simples qui intéressent un maximum de monde. Le tout, c’est d’en faire une histoire qui sorte de l’ordinaire mais qui reste crédible. C’est du thriller, dans le sens propre du terme. Ce n’est pas une littérature sociale. Ca doit rester une littérature prenante et divertissante.

Une leçon aux personnes qui trompent leur conjoint ?
Surtout pas !!!! Ma morale me l’interdit ! :-D
Si j’ai mis en scène une femme adultère, c’est parce que cette situation décuplait la tension qui se dégageait de l’histoire. Lorsque je trouve une idée  de qui me semble intéressante, en tout cas suffisamment riche pour en faire une histoire de 300 ou 400 pages, je commence à construire mes personnages autour de cette idée. Pour ce faire, je m’oblige à répondre à toute une série de questions : qui sont-ils, quel est leur tempérament, quelle est leur profession, quelle est leur condition sociale, quelle est leur situation familiale, etc. Mes choix se font alors de façon à renforcer le plus possible la pression psychologique que la situation induit déjà au départ. Dans « Je sais pas », il me semblait plus intéressant de mettre le couple de Camille et Patrick en difficulté pour accroître la tension qui allait résulter de la disparition de leur fille dans un premier temps, celle de l’institutrice dans un second temps.
Question fun ! Une anecdote à nous raconter sur ta vie d'auteur ? (pendant un salon, ou pendant l'écriture..)
C’était au salon de Hyères, en avril dernier. Une femme s’approche de ma table et lit les quatrièmes de couverture de quelques-uns de mes livres. Elle est accompagnée de son petit garçon qui doit avoir 5 – 6 ans. Puis, comme elle hésite, elle me demande de la conseiller. Je lui propose « Derrière la haine » et lui en fait un rapide résumé : « deux couples voisins dont les jardins mitoyens sont séparés par une haie partagent un quotidien idyllique : barbecues, apéros, soirées entre amis, etc. Les deux femmes tombent enceintes à quelques semaines d’intervalle et accouchent chacune d’un garçon. Les enfants grandissent comme des frères. » A mesure que je parle, ses yeux s’agrandissent : elle m’explique que c’est exactement sa situation : son mari et elle sont devenus très amis avec leurs voisins, ils vivent dans deux maisons mitoyennes dont les jardins sont séparés par une haie et leurs enfants respectifs grandissent comme des frères. Je lui précise que, dans mon roman, l’une des femmes devient la marraine du garçon de l’autre couple. Ses yeux s’agrandissent plus encore : sa voisine est la marraine de son petit garçon. Je lui demande son prénom… elle s’appelle Laetitia, comme l’une de mes deux héroïnes. Là, elle me regarde avec une pointe de panique dans les yeux et me demande : « et ensuite, que se passe-t-il ? ». Je jette un rapide coup d’œil au petit garçon qui se tient sagement à côté d’elle et lui réponds : « Disons qu’un événement tragique va bouleverser ce quotidien paradisiaque et faire basculer les deux couples dans l’horreur ».

-        Cet événement tragique… Ca concerne un des enfants ? me demande-t-elle en me regardant comme si j’étais le diable en personne.

-        Heu… Oui, en effet.

Là, je vois qu’elle se sent vraiment mal. Elle saisit la main de son fils et recule de deux pas.

-        Excusez-moi mais je crois que je vais acheter un autre livre.

Puis elle disparaît sans demander son reste.

Je dois dire que cette rencontre m’a un peu perturbée, moi aussi.    

Anecdote très flippante.... Merci beaucoup d'avoir répondu à mes questions Barbara :-)
 
 

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